Le vrai visage de la peine de mort aux États-Unis

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Le Texas a procédé la semaine dernière à sa 500e exécution. Kimberly McCarthy, une femme afro-américaine condamnée pour avoir assassiné en 1997 une dame de 71 ans durant un cambriolage qui a mal tourné, a passé 14 ans dans le couloir de la mort avant d’être exécutée par injection létale le 26 juin 2013. Sur 1 337 exécutions dénombrées aux États-Unis depuis le rétablissement de la peine capitale en 1976, le Texas en compte à lui seul plus du tiers.

Cette nouvelle mise à mort relance bien entendu le débat déjà chaud de la peine capitale. Mais je crains que dans cette recherche de la Vérité avec un grand V, cette quête de justice sociale, l’on passe à côté d’une question fondamentale : de quel principe rationnel la peine de mort abreuve-t-elle ses racines?

De nombreux pays, hormis les États-Unis, ont encore recours à la peine capitale (la Chine – estimations entre 1 000 et 3 000 exécutions par année; l’Iran – 360 exécutions connues; l’Arabie Saoudite – 82 exécutions; l’Iraq – 68 exécutions; la Corée du Nord – 30 exécutions; le Japon – 7 exécutions en 2012), mais le cas de nos voisins du Sud a ceci de particulier qu’il nous touche de beaucoup plus près, puisque nous partageons une même culture dite « occidentale ».

Petite histoire de la peine de mort aux USA

La peine capitale fut prononcée pour la première fois en 1608 dans l’État de Virginie, et l’on recense pas moins de 15 269 exécutions entre 1608 et 1991 dans l’ensemble des États-Unis. La Pennsylvanie est le premier État à restreindre la peine de mort aux affaires de meurtres, et le Michigan est l’un des rares États dans le monde à interdire la peine capitale dès les années 1840.

En Alabama, en 1958, une controverse éclate autour de la condamnation à mort de Jimmy Wilson. Ce n’est toutefois pas la peine capitale elle-même qui soit remise en question, mais plutôt sa pratique démesurée en regard de certains délits. De quoi était donc coupable Jimmy Wilson, un Américain noir d’une cinquantaine d’années? (Tenez-vous bien…) Il fut condamné à la peine capitale pour avoir volé la somme de 1,95 $ (l’équivalent aujourd’hui d’une quinzaine de dollars) à une vieille femme blanche! L’on doit savoir que l’État d’Alabama punissait à mort le crime du vol à l’époque, mais personne n’avait jusqu’alors été condamné pour un vol de moins de 5 $. L’exécution de Jimmy Wilson n’eut heureusement pas lieu, suite à une intervention de John Foster Dulles, Secrétaire d’État sous Eisenhower, mais quatre Afro-Américains furent toutefois mis à mort en Alabama entre 1927 et 1958 pour avoir volé une somme d’argent que l’on ignore.

Une justice raciste et hostile

Délicat de s’avouer pour la peine de mort, lorsque l’on sait qu’une majorité d’hommes noirs ont été exécutés dans les 34 États appliquant toujours la peine capitale. Mais la réflexion du commun des mortels va-t-elle aussi loin? Ou s’entête-t-on à trancher pour ou contre en s’appuyant sur des raisons douteuses, sans avoir fait le tour de la question et sans s’être arrêtés sur les chiffres, qui parlent d’eux-mêmes?

Les Noirs constituent 35 % des prisonniers exécutés depuis 1976 et 42 % des condamnés à mort, alors qu’ils ne constituent que 12 % de la population américaine. Si l’on ajoute les Hispaniques, plus de la moitié des détenus du couloir de la mort sont issus des minorités, qui représentent pourtant moins d’un tiers de la population des États-Unis. –  Centre d’information sur la peine capitale (DPIC)

Peut-on alors vraiment parler de justice sociale lorsqu’il s’agit de peine capitale, ou comme le dit si éloquemment Arnaud Gaillard, sociologue et réalisateur français ayant fait sa propre enquête dans huit États américains où elle est toujours en vigueur : « Aux États-Unis, la peine de mort est une continuation de la ségrégation raciale. » Affirmation que seconde Gloria Rubac, activiste et fondatrice du mouvement texan pour l’abolition de la peine capitale, qui clâme haut et fort que chaque exécution est un lynchage déguisé de la justice américaine, un lynchage « légal » effectué de manière propre et « clinique ».

En raison du passé américain d’esclavage et de lynchage, race et justice sont tellement entremêlées qu’on ne peut pas dissocier la couleur de peau de la peine de mort. – Gloria Rubac

De quoi prendre un pas de recul devant la question épineuse de la peine de mort, qui devrait être abordée en toute connaissance de cause, sans tomber dans la sensiblerie, et en stricte impartialité.

Je vous invite également à lire la Petite histoire du racisme aux États-Unis, qui met en lumière le passé d’une Amérique ségrégationniste et intolérante. Le lien existe bel et bien entre racisme et peine de mort. À vous maintenant d’y voir plus clair.

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