5@7 sur l’Everest

Depuis environ un an, je suis littéralement fascinée par le mont Everest. Je ne compte plus les documentaires visionnés, tant je suis obsédée par le son du craquement sec de la montagne sous les bottes des grimpeurs. Pas obsédée au point d’aller me farcir un oedème pulmonaire dans la death zone, cependant. Car même les plus expérimentés, les mieux entraînés et les plus vigoureux des hommes (et femmes) s’aventurent sur le mont Everest au péril de leur vie.

Les équipements ultra-perfectionnés actuels rendent la tâche un peu moins suicidaire, c’est vrai. Mais si vous croyez qu’il est maintenant facile et accessible à tous d’escalader les 29 035 pieds (8 850 mètres) de l’Everest, vous nagez en plein délire. Seulement… vous n’êtes pas le seul. Il y a toute une horde de pseudos alpinistes en quête de gloire (plusieurs centaines) qui tentent d’apprivoiser la Bête chaque année. Après tout, ne suffit-il pas d’un brin de détermination, de beaucoup d’argent (60 000 $ CA en moyenne) et d’un mollet bien dégourdi pour avoir enfin votre photo Instagram sur le toit du monde?

La popularité grandissante des expéditions sur l’Everest et la gourmandise des releveurs de défis du dimanche forment depuis quelques années une dangereuse équation. L’industrie fort lucrative du tourisme de l’extrême n’attire pas que des honnêtes gens, et le gouvernement népalais, qui y trouve aussi son compte, n’émet aucune restriction quant au nombre de personnes pouvant escalader l’Everest en même temps. Résultat? La montagne mythique est devenue un véritable parc d’attractions et les files d’attente vers le sommet mettent en danger la vie de tous les alpinistes, y compris celle des professionnels aguerris.

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Bernard Voyer, explorateur québécois ayant atteint le sommet du mont Everest en 1999, commente :

En 1999, nous étions 15 sur l’arête sommitale, 100 mètres avant le sommet. Aujourd’hui, ils sont 150! Ce qui multiplie considérablement les risques d’accident. À cette altitude, baptisée « zone de la mort », le manque d’oxygène dure depuis des heures et ses répercussions sur l’attention et la fatigue sont bien plus sévères. Et les bouchons de circulation sur cette arête peuvent compromettre grandement les secours auprès de grimpeurs en proie à de graves difficultés.

Les seuls mois praticables sur l’Everest sont avril et mai, période plus sèche et donc moins propice aux violentes tempêtes de neige où des vents meurtriers balayent le sommet à plus de 285 km/h. Lors de cette courte période, la météo peut toutefois surprendre les alpinistes, comme ce fatidique 10 mai 1996, où 8 personnes trouvèrent la mort dans une tempête. Les jours où la météo autorise une tentative vers le sommet sont donc très peu nombreux, et lors d’un summit day, tous y vont d’une ascension ultime. Plus de 200 personnes font maintenant la file indienne pour atteindre le toit du mont Everest lors des journées achalandées! Ce que cela signifie concrètement? Des heures interminables d’attente à risquer les engelures et à épuiser les réserves d’oxygène. C’est malheureusement ce qui a eu raison de Shriya Shah-Klorfine, Torontoise d’origine népalaise décédée sur l’Everest en mai 2012.

Stéphanie Côté, nutritionniste sportive, illustre bien ce à quoi peut ressembler une ascension de l’Everest :

Comme les combattants, les alpinistes font face à de nombreux stress. En plus des températures et vents extrêmes, du manque de sommeil et de nourriture, de la déshydratation, des efforts exigés et des imprévus, ils doivent se battre contre l’hypoxie (la raréfaction de l’oxygène dans l’air, notre sang et nos tissus). (…) Une foule de malaises sont ressentis par les aventuriers de tout calibre qui montent à plus de 2 000 ou 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. On nomme l’ensemble de ces malaises « mal aigu de l’altitude ». Il peut se manifester de diverses façons et à diverses intensités. Maux de tête, nausées, perte d’appétit, insomnie, fatigue extrême et œdèmes périphériques en sont les principaux symptômes.

Bref, on est loin de La croisière s’amuse. Alors sachez bien ceci, si vous souhaitez organiser votre prochain 5@7 sur l’Everest : que vous ayez l’expérience des plus hauts sommets tel un Ed Viesturs ayant gravi 6 fois le toit du monde, ou que vous soyez un apprenti, telle une Shriya Shah-Klorfine pourtant très déterminée, vous vous exposerez au danger comme le plus mortel des hommes. Car sous ses airs parfois calmes, la montagne vous attendra toujours de pied ferme.

***

Je vous invite à visionner le documentaire Everest: Into the Death Zone, qui tente de mettre en lumière cette folie de l’Everest ayant poussé Shriya Shah-Klorfine vers sa perte. 

Autre documentaire pertinent : Storm Over Everest, qui raconte les tragiques événements du 10 mai 1996, où 8 alpinistes périrent dans une violente tempête sur l’Everest.

Je vous conseille enfin Sherpas, les vrais héros de l’Everest, vibrant hommage au travail risqué et combien difficile des sherpas népalais, alpinistes de l’ombre.

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Une réflexion sur “5@7 sur l’Everest

  1. Pingback: Everest le film : une tragédie poussée jusqu’à la caricature | le bout du nez

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