Il y a un phénomène observable à peu près partout sur la planète qui suscite chez moi un questionnement depuis un moment : celui de s’incruster dans sa fameuse zone de confort. Je vous explique. Depuis mon arrivée sur Vancouver Island, je me surprends à jouir de mon nouvel environnement beaucoup plus que les natifs de l’île, ou que ceux qui y vivent depuis tellement longtemps qu’ils y sont enracinés, pour le meilleur et pour le pire. Normal, me direz-vous? Je n’en suis pas si certaine.
Je ne saisis pas qu’un homme vivant ici depuis quarante ans n’ait jamais mis les pieds à Salt Spring Island, Hornby Island ou Tofino. J’ai du mal à comprendre qu’un vieux de la vieille n’ait jamais pris part à une excursion d’observation de baleines, n’ait jamais profité de la saison hivernale pour s’adonner à du « storm watching » sur la côte Ouest de l’île, ou n’ait jamais visité les nombreux vignobles de la région. Je refuse de croire qu’il soit possible d’habiter un endroit aussi magnifique sans en savourer les joies les plus élémentaires. L’équivalent serait d’habiter le Québec sans avoir mis les pieds au Saguenay ou visité les différents quartiers de Montréal, sans avoir pu apprécier le parfum unique du sirop d’érable ou le goût moins raffiné mais tout aussi intéressant de la poutine, du pâté chinois ou du cipaille.
Je connais, bien entendu, des Québécois qui n’ont jamais mis les pieds dans la ville de Québec, ou qui craignent pour leur vie chaque fois qu’ils vont à Montréal. Est-ce la banlieue qui transforme le citoyen moyen en angoissé sédentaire, nourrissant une illusion de sécurité en lui promettant des jours heureux à l’abri des dangers de la grande ville? Qu’advient-il de notre curiosité et de notre goût de l’aventure lorsque nous habitons le même endroit depuis plusieurs années? S’éteignent-ils progressivement, au même rythme que les saisons?
Certes, je n’ai pas tout vu ni goûté du Québec, même après y avoir passé trente-trois ans de ma vie. Mais ce qu’il me reste à découvrir se compte sur les doigts d’une main. Car de Montréal à Gaspé, de Valleyfield à Mont-Laurier et de Pointe-aux-Trembles à Rosemont, j’ai habité mon environnement du mieux que j’ai pu, avec intérêt et passion.
Vous mourez d’ennui durant un week-end? Plutôt que d’enfiler les 236 épisodes de Friends, osez partir pour un « road trip » vers une destination inconnue; vous contemplerez votre région avec un œil neuf, et constaterez à quel point regarder défiler les paysages peut être vivifiant pour l’esprit.
Habitez votre environnement, messieurs-dames! Il y a tant à voir!
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« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » Marcel Proust
Beau message 😉 J’y trouve écho. J’étais justement en roadtrip ce week-end. Ça a décuplé mon goût pour tous les recoins du Québec. Ainsi, je me suis imaginée faire une virée de toutes les gorges qu’il y a sur notre territoire. Me semble que ça serait fort magique comme aventure, vu sous cet angle. Peut-être pas aussi soûlant que la route des vins, mais bon 🙂
En attendant les moyens de réaliser cette virée, je vais aller redécouvrir l’arbre du coin -il change à vue d’œil par les temps qui se « printanisent ».
Bonne habitation !
Super idée que de visiter sa région avec une thématique! J’aimerais beaucoup faire de même, en superposant à mon regard celui de mes auteurs favoris. (Re)découvrir Maskinongé, Longueuil et la Gaspésie à travers les mots de Jacques Ferron. Apprécier l’intensité des paysages de Kamouraska et de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier grâce aux écrits d’Anne Hébert… J’en rêve secrètement. 🙂
Chez moi c’est l’effet inverse. Tous les jours je regarde Paris et je pense à tous ceux qui dépensent les économies d’une vie pour s’y rendre. Cette beauté, j’ai la chance de la contempler chaque jour !
Ah, vraiment super! C’est si important d’être en tous points, exactement, là où on a envie d’être. 🙂