L’an dernier à pareille date, je portais en terre un fidèle compagnon gagné par la maladie. De longs mois à lui apporter affectueusement les soins nécessaires n’avaient pas réussi à le soustraire au mal ayant pris racine dans son corps.
Durant son déclin, Monsieur Hector a, comme tous les animaux domestiques, exprimé le souhait de terminer ses jours à la maison, dans son nid douillet, près des siens. Je lui ai donc épargné le trajet menant à l’hôpital vétérinaire. Qu’auraient-ils pu faire pour lui, de toute façon, sinon le stresser et l’affaiblir davantage?
À la boulangerie où je travaillais alors, ma patronne s’était empressée de me dire : « Tu devrais le faire euthanasier, Annie. Il ne semble pas prendre du mieux, ton chat. » Elle disait vrai. En partie. Il est vrai que Monsieur Hector dépérissait lentement et que mes espoirs de le réchapper s’amenuisaient. Mais l’euthanasie en début de maladie, sous prétexte que les soins à lui prodiguer devenaient lourds et encombrants, était un non catégorique.
Contrairement aux humains, les animaux ne vivent pas leurs maladies comme un échec ou une fatalité. Ils acceptent leur sort avec dignité, bien qu’ils ressentent les souffrances et la douleur au même titre que nous.
Croyez-moi, j’ai décroché la lune cent fois, mille fois pour mon beau minet, afin d’apaiser son mal. Je l’ai nourri et hydraté à la seringue durant 7 mois, à raison de 4 fois par jour. Il n’arrivait pas à garder la nourriture très longtemps dans son estomac, mais il me laissait le maintenir en vie et accueillait mes soins avec reconnaissance.
Jamais je n’aurais pu me résigner à faire euthanasier Monsieur Hector. De surcroît, par un inconnu.
À écouter les gens, l’on croirait que la maladie est un problème en soi. Le cœur du problème est davantage que nous n’avons plus des modes de vie qui nous permettent de prendre en charge la maladie et de regarder la mort de front. Qui, de nos jours, a le temps nécessaire à consacrer à un animal malade, dans cette course folle quotidienne plus du tout amusante qu’est devenue notre existence?
Je vous entends penser tout bas. « Il faut prioriser. » « Ce ne sont que des animaux, après tout. » Mais si les animaux perdent notre attention et nos bons soins dès lors qu’ils deviennent défectueux, c’est qu’ils sont tristement devenus des biens de consommation.
Ce cher Monsieur Hector au cœur doux comme la mer a été si bon avec moi. Il fut un allié précieux, un formidable complice me réchauffant de sa bienveillance. Je suis heureuse de lui avoir permis que la vie suive son cours. Malgré la maladie. Heureuse de l’avoir remis aux éléments et à la nature, où nous retournerons tous, inexorablement.